Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du lundi 7 avril 2025
Parité

Listes paritaires dans les communes de moins de 1 000 habitants : débat décisif à l'Assemblée nationale aujourd'hui

La proposition de loi visant à étendre le scrutin de liste paritaire aux élections municipales aux communes de moins de 1 000 habitants, va être débattue aujourd'hui à l'Assemblée nationale avec, peut-être, une adoption définitive. 

Par Franck Lemarc

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C’est une journée qui fera peut-être date dans l’histoire de la démocratie locale : ce soir, si les députés en décident ainsi, le mode de scrutin aux élections municipales dans les communes de moins de 1 000 habitants sera profondément modifié. À partir de 15 h, cet après-midi, les députés vont examiner en séance publique la proposition de loi « visant à harmoniser le mode de scrutin aux élections municipales afin de garantir la vitalité démocratique, la cohésion municipale et la parité » . Si elle est adoptée « conforme », c’est-à-dire identique à celle qui a été adoptée par les sénateurs, le texte sera définitivement adopté, et s’appliquera dès les prochaines élections municipales, l’an prochain. 

Un texte vieux de presque quatre ans

Rappelons que tout a commencé il y a trois ans et demi, le 19 octobre 2021, lorsque la députée Élodie Jacquier-Laforge a déposé un texte proposant d’instaurer le scrutin de liste proportionnel et paritaire dans toutes les communes. Ce qui signifie mettre fin à l’exception qui touche jusqu’à présent les communes de moins de 1 000 habitants, où les conseillers municipaux sont élus au scrutin majoritaire plurinominal à deux tours avec possibilité de panachage. 

Cette disposition essentielle du texte, qui permettra d’étendre les règles de parité à toutes les communes, a le soutien, rappelons-le, des principales associations d’élus – AMF, AMRF et Intercommunalités de France. 

Ce texte a été adopté par l’Assemblée nationale le 3 février 2022, juste avant l’élection présidentielle… sans être inscrit, pendant plusieurs années, à l'ordre du jour du Sénat. Puis, une dissolution et trois ou quatre gouvernements plus tard, le texte est réapparu au Sénat, le mois dernier où, contre toute attente puisque la droite, qui compose la majorité du Sénat y était plutôt opposée, il a été adopté, le 11 mars. 

À partir de là, plusieurs options sont possibles aujourd’hui, lors de la seconde lecture du texte à l’Assemblée nationale : ou bien le texte est rejeté par les députés – option hautement improbable ; ou bien il est adopté avec des modifications, ce qui conduira à un nouvel examen par le Sénat suivi, éventuellement, d’une commission mixte paritaire. Ou bien, enfin, il est adopté conforme, exactement dans la même version que celle votée par le Sénat, et le texte sera alors définitivement adopté. 

Adoption conforme nécessaire

C’est, déjà, ce qui s’est passé lors de l’examen du texte en commission des lois, la semaine dernière : le texte a été adopté sans aucune modification. Il y a là, il faut le rappeler, un enjeu majeur : celui de l’approche des élections de 2026. Normalement, la loi impose qu’aucune modification du mode de scrutin ne puisse intervenir à moins d’un an d’une élection. Mais il reste possible au législateur de déroger à cette règle, cas par cas, à condition que le délai séparant une éventuelle modification des règles et le scrutin soit suffisant pour informer les électeurs et permettre aux candidats de constituer leurs listes. En commission des lois, la rapporteure, Delphine Lingemannn (MoDem), a estimé qu’une adoption de ce texte en avril donnerait un délai « acceptable et suffisant » . Elle a donc appelé l’ensemble des parlementaires à « adopter la proposition de loi dans (…) sa version issue du Sénat pour garantir une adoption définitive et une promulgation rapide ». 

En commission, il faut noter que plusieurs députés ont retiré leurs amendements, bien qu’estimant le texte imparfait, pour permettre une adoption conforme. 

Ce que contient le texte

Rappelons les principales mesures de ce texte. 

Outre l’extension du scrutin de liste paritaire à toutes les communes, la proposition de loi prévoit, dans sa version actuelle, et pour les communes de moins de 1 000 habitants : la possibilité de déposer des listes incomplètes présentant deux candidats de moins que l’effectif légal ou  – comme il est déjà possible dans les communes de plus de 1000 habitants – la possibilité de déposer des listes avec deux candidats de plus ; un dispositif d'élections complémentaires, pour les seuls sièges vacants à pourvoir, en cours de mandat et lorsqu’il n’est plus possible de faire appel aux suivants de liste ; l’extension aux communes de 500 à 999 habitants du principe de complétude (le conseil municipal est réputé complet même s’il compte deux membres de moins que l’effectif légal) ; et enfin une dérogation à la règle du remplacement par une personne de même sexe en cas de vacance d’un ou plusieurs postes d’adjoint.

Pour mémoire, rappelons également que les sénateurs ont supprimé certaines dispositions qui figuraient dans le texte initial : l’extension à toutes les communes de l’élection par fléchage des conseillers communautaires et certaines mesures complexes sur la répartition des fonctions de vice-présidents des EPCI. En l’état, dans les communes de moins de 1 000 habitants, rien ne changerait donc ni pour l’élection des conseillers communautaires (dans l’ordre du tableau) ni pour la désignation des vice-présidents.

Enfin, le Sénat a ajouté deux nouvelles mesures concernant les communes nouvelles : « La prolongation de la période transitoire au cours de laquelle les communes nouvelles bénéficient, à titre dérogatoire, d’un nombre de conseillers municipaux supérieur à l’effectif de droit commun et, d’autre part, une simplification du droit en matière de siège vacant dans les communes nouvelles récemment créées. » 

Le rapport des forces

La discussion en commission des lois permet d’avoir une idée du rapport des forces qui va se jouer sur ce texte, en séance publique. 

Le groupe Les Républicains et le Rassemblement national sont opposés à ce texte. Les Républicains, s’ils se disent favorables à la parité, jugent ce texte « technocratique et déconnecté des réalités du terrain »  et estiment qu’il risque de rendre plus compliquée la constitution de listes dans les petites communes. 

À l’inverse, sont clairement favorables à ce texte les groupes macroniste, MoDem, LFI, socialiste et écologiste. 

Au milieu de ces deux positions, on trouve plusieurs groupes qui balancent entre soutien et rejet : soit qu’ils trouvent que la réforme doit attendre les échéances municipales suivantes pour donner le temps d’aller au bout du débat (c’est le cas des groupes communistes, Horizons et Liot), soit qu’ils sont pour les listes proportionnelles mais contre la parité (ciottistes). On ignore, à cette heure, si les membres de ces groupes s’abstiendront sur ce texte, voteront pour ou voteront contre. 

Il est probable que même dans les groupes s’étant déclarés contre ce texte, notamment chez Les Républicains, certains députés voteront pour, à titre individuel. 

Réponse, sans doute, dès ce soir : l’adoption d’un seul amendement, modifiant ne serait-ce qu’une virgule du texte, relancera la navette parlementaire et rendra plus difficile l’application de la réforme en mars prochain. Nul doute qu’une belle bataille va se dérouler, cet après-midi, au Palais-Bourbon.

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